OLIVIER CHAUVIGNAT WORKSHOPS

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[Ne pas] éclairer le fond

Mauvaise habitude : éclairer le fond de manière systématique

Comme tout chose réalisée de manière “robotique”, systématique et sans discernement, éclairer systématiquement le fond devient en fait une mauvaise habitude. Si on éclaire le fond, on doit avoir une bonne raison pour le faire et on doit le faire en toute connaissance de cause. C’est cet aspect systématique qui empêche de “penser son fond” comme faisant partie intégrante de l’image. Là encore on trouve nombreux “tutos” qui impliquent l’éclairement du fond, mais sans en donner la raison. Pire, bien souvent cet éclairage du fond à un effet négatif et destructeur sur l’image.

Éclairer le fond n’est pas obligatoire, bien souvent non nécessaire, voire contre-productif.

De très nombreux portraits de portraitistes, de visuels pub pour la mode et la beauté, sont réalisés sans éclairage du fond. La photo de beauté notamment ne nécessite pas d’éclairage systématique du fond. Les photos HighKey sont parfois affublées de cet éclairage : c’est un pur arbitraire. Il n’est absolument pas obligatoire d’éclairer le fond pour réaliser une image HighKey. (voir le texte “Qu’est ce que le HighKey” et ses articles connexes)

Le fond

Extrait du livre “Les secrets de la photo de studio” page 107

Le fond du studio permet de donner une sensation de profondeur en matérialisant la distance entre le sujet et l’arrière-plan. Il a donc un rôle en studio, il ne faut pas chercher à le « cacher ». On peut choisir un fond texturé (mur avec matière visible à l’image ou « sali », toile peinte, tissu avec plis dans l’esprit « atelier d’artiste ») ou bien un mur blanc et un sol carrelé – ou un plancher – dans l’esprit « appartement ». On peut bien entendu utiliser un fond blanc déroulant, ou aller photographier le modèle dans un studio à « cyclo », afin de neutraliser l’environnement et donner l’impression que le sujet « flotte » dans l’espace, mais retenez qu’à moins d’avoir un impératif ou une intention précise, tenter de cacher le fond ou de le rendre neutre n’est pas forcément un bon calcul.

Ne pas confondre “lumière sur le fond” et “éclairer le fond”

Éclairer le fond de manière violente et uniforme fait perdre la notion de distance sujet-fond

A l’inverse, une tache lumineuse sur le fond contribue a la sensation de profondeur dans l’image en matérialisant la position du fond derrière le sujet.

Quelles actions vont détruire la sensation de profondeur dans l’image ?

Comme nous l’avons vu au dessus, la présence du fond sert à matérialiser la sensation de profondeur dans l’image. De ce fait, certaines actions vont être néfastes à cette sensation de profondeur

Éclairer le fond

Éclairer le fond va effacer les ombres portées qui contribuent à matérialiser la distance sujet fond et à donner la sensation de profondeur dans l’image. Les dessinateurs utilisent cette technique (dessiner une ombre portée) pour donner une sensation de volume dans leurs dessins.

Le fond va sembler “plaqué” contre le sujet, réduisant là encore la sensation des différents plans de l’image. Le sujet semble “suspendu” dans l’espace.

La texture du fond sera gommée, on va perdre sa matière, ce qui va le “dématérialiser”

La suppression des ombres portées va engendrer une perte de l’aspect graphique apporté par une ombre qui se dessine sur le fond.

Éclairer le fond sous-entend l’ajout de sources supplémentaires. Mais si vous vous retrouvez systématiquement dépendant de ces sources pour contrôler l’éclairement de votre fond, vous risquez - en monosource - de ne jamais savoir jouer sur la densité du fond, comme décrit ci-dessous. Or la connaissance de l’éclairage monosource est fondamentale.

Jouer sur la densité du fond

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Extrait du livre “Les secrets de la photo de studio” page 78

En studio obscur (sans lumière ambiante), la densité du fond, c’est-à-dire la quantité de lumière reçue par le fond, va varier selon trois facteurs :

la distance flash-sujet : à distance flash-fond égale, le fond sera d’autant plus sombre que la source sera plus proche du sujet : la quantité de lumière nécessaire pour éclairer le sujet étant plus faible (puisqu’il est plus proche du flash), il y aura moins de lumière arrivant sur le fond ;

la distance flash-fond : à distance flash-sujet égale, le fond sera d’autant plus clair qu’il sera plus proche du flash : en effet, la quantité de lumière étant égale (puisque la distance flash-sujet l’est aussi) on ne pourra que rapprocher ou éloigner le fond pour changer sa densité – en pratique, le fond étant rarement mobile, on déplacera le couple sujet-flash ;

l’orientation des sources : une fois que la distance flash-fond est déterminée, on pourra changer la quantité de lumière qui arrive sur le fond en faisant varier l’orientation de la (ou des) source(s). Une source dirigée directement vers le fond lui enverra davantage de lumière que si elle est dirigée dans une autre direction. Cela dit, l’orientation des sources dépendant grandement du setup que vous voulez réaliser, la densité du fond résultera de la combinaison des trois facteurs.

Notez que la densité du fond peut être mesurée au flashmètre, sous la forme d’un écart « sujet-fond » exprimé en IL et dixièmes d’IL. Cette possibilité présente deux avantages :

• vous pourrez régler la densité du fond au 1/10e d’IL près, contrôlant ainsi l’effet produit ;

• vous pourrez reproduire cette même densité sur différents setups, afin de prévoir l’effet produit.

Éclairer violemment un fond trop proche (distance sujet-fond de deux ou trois mètres)

Éclairer (voire surexposer) un fond demande une forte dose d’énergie pour les flashs afin que la lumière soit bien répartie, notamment parce que les sources qui éclairent le fond ne peuvent pas être disposées de manière optimale à cause de la faible place dont on dispose entre sujet et fond. On aura donc tendance à “mettre le paquet” et à surexposer le fond

En dehors des contraintes de mesure de la lumière (on doit mettre assez d’énergie pour “bien éclairer” et on aura donc tendance à surexposer) on a aussi à faire face à deux problèmes :

Le “feedback” (retour) de la lumière provenant du fond

La lumière provenant du fond aura tendance à revenir sur le sujet sans qu’on puisse vraiment la contrôler puisque comme on l’a vu au dessus, on doit avant tout mettre un maximum d’énergie.

Pourtant ce feedback doit être contrôlé par une mesure au flashmètre et un réglage fin. Un bon réglage pour le feedback est de -2 ILs par rapport à la keylight

Le flare qui pourrait éventuellement voiler l’image.

Avec un afflux important de lumière provenant du fond violemment éclairé, on a un risque de reflet parasite (flare) incontrôlable, comme dans le cas d’un contrejour.

Ne doit-on jamais éclairer le fond ?

On vient de voir que l’éclairage d’un fond situé a faible distance pose un grand nombre de problèmes.

En revanche, éclairer un fond très distant (5 a 8 mètres) peut être justifié et nécessaire. Mais dans ce cas, les inconvénients engendrés par un fond proche ne sont plus présents. La sensation de profondeur dans l’image est préservée car le fond n’a pas besoin d’être submergé de lumière, mais simplement éclairé. On perçoit donc à nouveau sa position dans l’espace.

Sur la vidéo backstage ci-dessous, tournée dans un grand studio avec cyclo, chez Pin-Up (@pinupstudioparis) à Paris, vous verrez comment Michel Perez a organisé son setup pour la marque Aubade. Il s’agit d’un éclairage mixte : lumière continue mesurée au posemètre sur le modèle et fond mesuré au flashmètre et éclairé uniformément au flash. Vous remarquerez que les parapluies géants qui éclairent le fond sont à bonne distance, permettant ainsi un parfait contrôle de l’uniformité lumière et de l’énergie flash.

A 0:43 vous verrez l’assistant mesurer la lumière provenant du fond au flashmètre, disposé derrière sa tête en direction du fond. Comme rappelé ci dessus dans la section “Le “feedback” (retour) de la lumière provenant du fond”, le retour doit être mesuré pour qu’on puisse le contrôler.

Et à 5:45 vous verrez le résultat sur les polas, planches contact et tirages finaux : le feedback est soit inexistant, soit extrêmement subtil et délicat et à une valeur que j’évalue à l’œil à - 2ILs, voire davantage. On est bien loi du feedback “bourrin” et incontrôlable que l’on voit sur certaines images réalisées sur fond proche inondé à +2 voire +3 ILs. Par ailleurs on “sent” que le fond blanc éclairé (mais pas surexposé) matérialise bien l’arrière-plan

Conclusion

Comme nous l’avons vu, il est important de ne jamais systématiser l’éclairage du fond. A l’inverse, de nombreux grands portraitistes comme Paolo Roversi ou Peter Lindbergh utilisent le fond comme faisant partie de l’image. Ils n’éclairent jamais le fond.

N’utilisez l’éclairage du fond que de manière justifiée, avec un fond lointain, mesuré et éclairé dans les règles de l’art