OLIVIER CHAUVIGNAT WORKSHOPS

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Qu’est-ce qu’une optique “réaliste” - Partie 2

Vous avez probablement déjà tout ce qu’il vous faut en termes d’optiques, et vous avez même peut-être ce qui se fait de mieux.

Et pourtant il se peut que vous ressentiez constamment une espèce d’insatisfaction, de manque par rapport aux objectifs que vous utilisez, ce qui explique votre présence ici, à lire cet article.

Peut-être que vous êtes dans une espèce de recherche du “Graal des optiques”

Effectivement, je pense que ce Graal existe, et ce n’est pas forcément parmi les optiques les plus coûteuses.

Pour avoir essayé tout ce qui se fait de mieux en terme d’optiques, je peux désormais vous dire que c’est plutot au niveau du genre de rendu que l’on veut, du genre d’histoire que l’on veut raconter, du genre d’émotions que l’on veut ressentir et partager, qu’il faut chercher son Graal. Et pas du tout dans une fiche technique.

Et sur ce point, après avoir moi-même cherché pendant des années, ce fameux rendu, ce fameux Graal, je pense pouvoir dire que la solution se trouve dans le rendu naturel, proche de la vision et donc des émotions humaines.

Et d’un point de vue purement pratique, ce rendu naturel et donné par les optiques ayant un bon rendu tridimensionnel.

Ce rendu tridimensionnel ne nécessite pas forcément d’investir dans des optiques chères, et et vous le trouverez dans des optiques dont la conception est complètement à l’opposé de ce que tes constructeurs nous proposent actuellement.

Ce texte fait suite au premier tutoriel sur le sujet. Je recommande vivement sa lecture.

Restituer les différents plans

Comme nous l'avons vu précédemment, la sélection de ces optiques se fait en vue de les utiliser pour du portrait. Et le critère de sélection majeur de ces optiques est leur aptitude à restituer l'image dans sa profondeur et “en volume”.

Restituer les différents plans d’une image, implique que chaque plan a lui-même sa propre profondeur de rendu (attention, je parle encore de profondeur tridimensionnelle dans l'image et non pas de profondeur de champ), son propre modelé.

Avec une mauvaise optique (mauvaise en termes de restitution tridimensionnelle), on pourra très bien avoir plusieurs plans dans l'image, mais chacun de ses plans n'aura pas de profondeur, et sera simplement restitué « plat ». Et le “sandwich” de ces différents plans sera lui-même “plat et compressé”

Les “critères” qui sont en sont en fait des anti-critères

Les anti-critères sont les arguments de vente ou pour vanter un produit, présentés comme des éléments de choix positifs, mais qui en fait, sont les choses que l'on doit absolument éviter.

Le piqué.

En dehors, du fait que la plupart des gens confondent piqué et netteté, le piqué est le premier des anti-critères. Lorsqu'on vous vend le piqué d'une optique, vous savez que vous avez probablement à faire à une optique au mauvais rendu général en terme de tridimensionnalité. Comme par hasard, lorsqu'on va vous vanter le rendu d'une optique Hasselblad H ou V, ou Leica M, on ne vous parlera jamais de piqué : vous entendrez parler d'homogénéité, de rendu général très doux et tout en finesse avec des détails et des transitions subtils, ainsi que de son aptitude à restituer les tonalités intermédiaires.

Une optique homogène est une optique dont le rendu est aussi bon dans les valeurs nettes que dans les valeurs floues, et à tel point qu’on à même du mal parfois à déterminer si telle ou telle partie de l’image se trouve dans le net ou dans le flou.
De ce fait, le passage “de net à flou” est extrêmement progressif, onctueux, esthétique et naturel : souvent, il ne se détecte pas. Cela ne veut pas dire qu'une optique homogène n'est pas « piquée », bien au contraire. Cela veut dire que cette optique n'est pas QUE piquée.

Une photo réalisée avec une telle optique, permettra notamment que le sujet soit parfaitement détaché et lisible, même avec un arrière-plan présent lui aussi, par exemple dans le cadre d'une grande profondeur de champ.

On ne ressentira pas le besoin d'ouvrir exagérément pour tenter de « détacher le sujet du fond ». En fait, ce que les gens appellent « détacher le sujet du fond », consiste simplement à isoler le sujet du fond, de manière non naturelle et avec un flou de mauvaise qualité, flou que l’on ne verra pas si on regarde avec la vision humaine. Une bonne optique est capable de vraiment détacher le sujet du fond, même avec une grande profondeur du champ. C'est d'ailleurs un des critères qui permet de la détecter.

À l'inverse, une optique dont on vante le piqué, est souvent catastrophique sur les critères d'homogénéité, de naturel, de rendu tridimensionnel, de progressivité, de passage de net à flou, etc.

De plus, leur piqué est caricatural, extrêmement violent de netteté et exagérée et totalement non-naturel. Elles ont également, l’énorme inconvénient de mal éduquer l'œil des gens qui les utilisent, car elle les habitue à voir des images plates, et pire, à considérer la « platitude » comme un critère. Or quasiment 200 ans de photographie nous montrent que la platitude n'est qu'une mode récente, et qu’elle est totalement non-naturelle.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, en photographie on ne recherche pas à obtenir les images les plus nettes possibles. C'est même un défaut majeur du numérique et encore plus des boîtiers hybrides : la netteté exagérée, non naturel, et caricaturale.

On cherche à obtenir les images les plus naturelles possibles, ce qui passe notamment par le fait que la netteté ne soit pas poussée de manière outrageante, au point de faire “oublier” les zones floues.

En fait, le bon piqué est celui qui ne ser remarque pas. L’optique dégage juste une très bonne impression d’ensemble.

Dès que l'on essaye de vous dire qu’une optique est « une tuerie » tellement elle est « piquée », vous savez que vous avez probablement à faire à une optique de mauvaise qualité, pour ce qui est du rendu tridimensionnel.

Nombre de lentilles

Vous verrez que l'on essaiera de vous vanter la qualité d'une optique en donnant un nombre important de lentilles. Il se trouve que les optiques au meilleur rendu tridimensionnel possèdent des formules optiques simples (une formule optique est l’agencement et le nombre de lentilles utilisées). Les optiques exagérément corrigées (notamment en utilisant un grand nombre de lentilles ou un système complexe), donnent un rendu plat, artificiel et très « numérique ».

Donc, lorsqu'on vous vante, le nombre élevé de lentilles dans la construction d'une optique, vous savez que vous risquez de tomber sur un objectif au rendu « plat ».

Corrections optiques

Nous l'avons dit au-dessus, une optique trop corrigée donnera un résultat « trop parfait ». Or, une optique parfaite donnera un rendu aseptisé. C'est exactement à l'opposé de ce que nous recherchons. On pourrait citer par exemple l'exemple des optiques Hasselblad H, donc le constructeur a volontairement limité au maximum la correction du vignettage. Non seulement le vignettage est ultra simple à corriger dans le logiciel, mais en plus sa correction dans l'optique va augmenter son tarif, son poids, et va la rendre plus aseptisée.

Fuyez donc les optiques dont le constructeur se vante d'avoir corrigé le vignettage (entre autres). Fuyez également les critères de DXO Labs qui considère comme « bonne », une optique qui vignette peu. Ce simple fait donne une bonne idée du peu de foi que l’on doit accorder à leurs résultats.

Un “beau bokeh bien flou” “bokeh crémeux” ou “Bokehlicious”

Cette notion - purement sortie d’un chapeau et totalement inventée - est probablement la plus risible (si tant est que l’on puisse en rire) et la plus grosse manipulation concernant le sujet du bokeh.

Ce genre d’invention ne peut être crue que par les gens qui n’ont jamais vu le rendu donné par des optiques de qualité. Lorsqu’on sait ce qu’est vraiment un bokeh de qualité (le flou dans les zones hors-focus) on sait très bien que les zones totalement dépourvues de détails (le soi-disant « bokeh crémeux ») démontrent en fait que l’optique est incapable de restituer de la matière et que donc, on a dépassé depuis longtemps les limites de performances de l’objectif.

Bien sur, l’apparition de ce “mauvais flou lisse” est inévitable dans certaines circonstances et on doit faire avec. Y chercher une prétendue “qualité” tient avant tout de la tromperie intellectuelle et de la grande naïveté de ceux qui le croient.

Ne voyez aucune arrogance dans mes propos. Je n’ai que de la compassion pour ceux qui se font avoir, surtout lorsqu’ils ont investi des sommes importantes. Je me mets à la place de celui qui - croyant acheter un objectif d’exception - se retouve en fait avec une optique “plate”. J’ai la chance de pouvoir échapper à ca. C’est pour cela que je le dénonce. Ceux qui me connaissent savent que combats toujours les fausses données, quitte à ce que ces batailles passent parfois pour “des combats d’arrière garde” ou du “Don Quichottisme”. Ces batailles m’opposent à “leffet de masse” et non aux individus.

Étant donné que ces anti critères concernant le bokeh ont été introduits en photographie, les constructeurs sont plus ou moins obligés de les utiliser pour vendre leurs produits. Ne soyez pas dupe. À partir du moment où il n'y a plus de matière, de texture, de détails dans le flou, on est au-delà des possibilités de l'optique, ne perdez donc pas votre temps à chercher des qualités là où il n'y en a pas, même si le constructeur vous dit qu'elles existent. Ça a à peu près autant d’intérêt que de lire dans le marc de café.

On vous parlera de la forme des tâches de lumière dans le bokeh lisse. Et alors ? Que la tache de lumière soit ronde, ovale ou à facettes, cela n'a absolument aucune importance, car c'est une notion totalement inutilisable en pratique. Ne perdez pas votre temps avec ça.

Mettez les résultats fournis par DXO Labs à leur juste place.

L’évaluation d ‘une optique passe par une grande part d’objectivité (c’est le cas de le dire), à cause de la notion de “perceptif” que l’on doit engager dans cette évaluation.

Les critères dévaluation choisie par DXO, Labs ne sont pas des critères photographiques et ne font aucunemement appel au “perceptif”. Ce sont des mesures de laboratoire, pourtant censées permettre de se faire une idée de la valeur d'une optique ou d'un boîtier.

C’est comme si, pour évaluer un plat de restaurant gastronomique, vous demandiez l’analyse biochimique de chacun des ingrédients en laboratoire : aberrant n’est-ce pas ?

Ou si pour juger un grand cru, on se contentait de faire des analyses en labo pour établir une “note”. Inutile de dire que ca n’a aucun sens…

Et pourtant, il semblerait que les tests de DXO soient un standard sur lequel on se base dans l'industrie de la photographie. Ça donne une bonne idée de à quel point on ne peut pas se fier aux informations que l'on voit tous les jours notamment sur les réseaux.

La photographie comprend une forte part émotionnelle et de “perceptif” au moment du choix d'une optique, je vous recommande donc très vivement de non seulement remettre en question totalement les résultats fournis par DXO labs, mais même de faire exactement l'opposé de ce qu'il conseillent. Il s'agit d’un laboratoire d'analyses, il ne s'agit pas de photographie.

Contre vérités

Il ne s’agit pas ici d’accuser qui que ce soit de quoi que ce soit, mais d’établir un état de faits.

Les contre vérités sont des faux critères établis et propagés. Des caractéristiques de mauvaise qualité établies comme des critères de “soit disant qualité”.

Le fait que ces faux critères soient devenus des “prétendus critères" est du au fait que ceux qui regardent ces images et/ou qui acceptent ces “critères” :

  • N'ont pas la culture photo (artistique ou technique) qui leur permettrait de savoir quel rendu est censé donner une bonne optique

  • Ne savent pas à quoi ressemble le rendu d’une optique de qualité. On ne leur montre que des optiques médiocres (au moins en terme de rendu tridimensionnel) et Ils n’ont donc pas de “référence qualité”. C’est notamment à cause de cela qu’il pensent qu’une optique (en fait extrêmement mauvaise) est “une tuerie”.

S'ils avaient cette culture et ces connaissances, les aberrations décrites plus haut leurs sauteraient aux yeux.

Là encore, n’y voyez aucune arrogance. Non seulement je suis juste factuel (je me contente d’énoncer des faits), mais en plus je me mets à la place de celui qui, devant choisir une optique et la payer avec son argent durement gagné, est désemparé face au flot d’informations indigestes concernant les optiques, et dont aucune ne permet de savoir sur quoi baser son choix.

On se heurte également au fait suivant : Les gens ne veulent pas la vérité. Il veulent se conformer à la masse et se sentir rassurés sur le fait d'appartenir à un groupe d'utilisateurs. Une parfaite illustration de ce syndrome se retrouve dans certains groupes d’utilisateurs de marques ou de modèles d'appareil photo ou d’objectifs soi-disant « extraordinaires ». Dans ces groupes l'aveuglement, l'hystérie par rapport à l'utilisation inconditionnelle d'un certain type de matériel photo tient du fanatisme.

Lorsqu’on à ses propres critères d'évaluation du matériel, non seulement on a pas besoin d'appartenir à un groupe, mais en plus on ressent même le besoin de s'en éloigner.

Ne vous faites pas avoir. Vous êtes à la fois des victimes mais aussi des vecteurs de propagation de ces idées aberrantes. Ne les colportez pas.

Cette propagation est due à un autre syndrome de l’internet que j’appelle “Opinion vs Facts”, syndrome par lequel les faits tangibles et démontrables sont désormais remplacés par des “opinions” sorties d’un chapeau et basées sur … rien !

Aucune expérience, aucune connaissance du sujet. Les “opinions” (non fondées, étayées et documentées) sont le cancer des processus de pensée, et c’est grace à elles que se répandent les Fake News et autres mensonges qui infestent internet et notamment les réseaux sociaux.

Protégez vous de cette plaie en vous basant exclusivement sur des données crédibles et ne répandez pas d’opinions, uniquement des faits. Et eloignez vous des groupes d’utilisateurs fanatiques. Je vous conseille également d'appliquer le principe suivant : « si c'est marqué sur les réseaux sociaux, alors c'est faux ».

Cet article aura une suite, sous la forme d'un troisième et dernier volet.

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