Quelle est la différence entre Développement et Retouche ?

Publication révisée le 7 Mai 2014 - Révisée le 3 Nov 2015 - Révisée le 15 Nov 2020

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IMPORTANT : LES DONNÉES DE CE TUTO NE SONT PAS NOUVELLES. ON PEUT LES TROUVER DANS LES LIVRES DE PHOTOGRAPHIE DEPUIS PRATIQUEMENT DEUX SIÈCLES

La confusion entre développement et retouche peut s’expliquer par une connaissance insuffisante des bases de la photographie, mais aussi du fait que les logiciels permettant la retouche (comme Photoshop), permettent également de faire des actions relatives au développement, de manière séparée ou combinée.

La retouche, tout comme le développement sont intimement liés à la photographie (que l’on parle de photo argentique ou numérique) et existent depuis que la photo est née.

Ces notions sont plus difficiles à comprendre pour celui qui n'a pas de formation argentique. Elles vous permettront néanmoins d'avoir une bien meilleure compréhension de la photographie et d'éviter, je l'espère, la confusion qui règne à ce sujet.

Lorsqu'on travaillait en photo argentique, une fois la bobine terminée on disait : "je vais faire développer ma pellicule" et non "je vais faire retoucher ma pellicule". Cette phrase à elle seule donne une bonne idée de la différence entre les deux. On revenait quelques jours plus tard chez le photographe et celui-ci nous donnait une pochette contenant des tirages non retouchés accompagnés de la pellicule développée, découpée en bandes de 5 ou 6 vues.

Il n'était donc pas question de retouche, et rares étaient ceux qui avaient les moyens de faire retoucher un film ou un tirage, puisque cette opération était effectuée à la main, par un artisan retoucheur.

D’ailleurs le module de réglages de Lightroom s’appelle bien “Développement” et non “Retouche”

Nous allons tenter de clarifier le sujet en établissant un parallèle entre argentique et numérique, ce qui va permettre de voir comment le numérique émule (imite par logiciel) les techniques ancestrales utilisées en argentique. La première chose à comprendre est donc que le numérique n’a rien inventé. C’est ce qui explique que la seule connaissance du numérique n’apporte qu’une compréhension superficielle de ce sujet, pourtant fondamental.

Tableau d’équivalences entre argentique et numérique


Photo Argentique

Photo Numérique


A - Choix du film

En argentique le choix du film se fait avant la prise de vues.

A - Caractérisation Film

En numérique, la caractérisation film se fait après coup, lors du développement numérique dans Lightroom. La caractérisation ne cherche pas à imiter un film connu, mais à donner au numérique les caractéristiques du film.

 

C’est à ce stade que l’on choisit si on sera en Noir et Blanc ou en Couleurs

Le numérique permet de décider si une image sera sortie en Noir et Blanc et/ou en Couleurs. Cette opération se fait après coup, lors du développement numérique dans Lightroom.


B - Prise de vue

Exposition du film et création de l’image latente sur le négatif, image latente invisible avant développement chimique

B - Prise de vue

Exposition du fichier réalisée par l’impression du capteur par la lumière et création des informations permettant de stocker l’image latente dans le fichier RAW, image latente invisible tant qu’on ne l’ouvre pas dans un logiciel de développement numérique


 

LE DÉVELOPPEMENT / TIRAGE

Le développement est la phase de création et d'obtention de la photographie. 

En Argentique, le développement est l'ensemble des opérations permettant d'obtenir un négatif ou un positif grâce à des procédés chimiques. Ces opérations incluent notamment, la tonalité et le contraste, la couleur, le grain film et les virages

Le Tirage consiste à obtenir une épreuve papier (un Tirage) a partir d'un négatif (ou par un autre procédé photographique). L’impression (sur je d’encre par exemple) d’une photo numérique n’est pas un tirage.

On pourrait donc dire que toutes les techniques numériques qui "imitent" ces procédés et opérations ou qui visent à obtenir un résultat de même nature, sont regroupées sous le terme "développement"

Le Développement est donc l’ensemble des opérations qui amènent à l’obtention (la création) de la photo, sous forme de négatif fixé, de tirage papier ou de positif fixé. En numérique, le développement (réalisé par exemple dans Lightroom) permet d’obtenir la photo sous forme d’image à partir du fichier RAW (qui n’est pas une image). Le Développement n’est pas de la retouche. Le Développement est un processus créatif de l'image et non une "amélioration" ou un "réglage". Par souci de simplification, tout ce qui concerne le TIRAGE a été regroupé dans le Développement (le tirage n'est pas non plus de la retouche)

Pour plus de compréhension de l’aspect “tirage argentique” Vous pouvez regarder cette vidéo de l'interview du Tireur Photo Thomas Consani et du photographe Raymond Cauchetier.

 
 
 

C - Développement chimique du film

Le développement film se fait en Chambre Noire (Darkroom). Ou plus précisément dans une cuve étanche à la lumière (voir vidéo en bas de page)

A ce stade on peut agir sur le contraste et sur la luminosité par le jeu de la chimie, de la température des bains chimiques et des temps de développement

C - Développement numérique du fichier RAW

Le développement numérique se fait en “chambre claire” numérique, par exemple avec le logiciel Lightroom qui tire directement son nom de ce concept.

En termes simples, un développement numérique agit comme en argentique, sur la luminosité et et sur le contraste

Grain Film argentique

Un film est un support physique dans lequel la lumière est captée par des grains de particules photosensibles (sels d’Argent). Une fois le film développé, ces grains sont plus ou moins visibles sur la photo et leur visibilité dépend de divers facteurs intrinsèques au film lui même (type de film, sensibilité iso, etc) ou liés à la manière dont il a été développé (type de chimie, paramètres de développement chimique, etc). Le développement argentique agit donc pleinement sur l’aspect du grain.

Le Grain film est une caractéristique de la photo argentique. C’est lui qui donne de la “matière” au film et qui permet de donner un rendu “sans aplats”, tout en “lissant” les petits défauts. Et bien sur c’est le grain film qui contribue à l’aspect “plasticien”, “sensuel” et “émotionnel” de la photographie.

Émulation du Grain Film argentique

Le module “Grain film” de Lightroom permet de reproduire les caractéristiques du grain film analogique. C’est un élément majeur du développement de la caractérisation film, en noir et blanc notamment.

Le grain film n’a absolument aucun rapport avec le “bruit vidéo". Ne confondez pas les deux.


D - Tirage du négatif sous agrandisseur et exposition du papier photo

D - Équivalence de ces actions en numérique

En chambre noire

En argentique à film négatif, il existe deux phases d’exposition. Celle du film, réalisée lors de la prise de vue, et celle du papier photo, réalisée lors du tirage sous agrandisseur de laboratoire photo. La notion de “tirage” comporte donc une phase d’exposition du papier photo.

Tirage sous agrandisseur

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Un agnradisseur

Le choix du papier (support, grade)

  • Grain argentique papier

  • Structure et matière du papier

  • Le travail sous l’agrandisseur (masquages, temps d’expo, etc) D & B

  • Le recadrage à l’agrandisseur (margeur)

  • La Chimie du papier (chimies, temps, etc)

  • Le Traitement Croisé)

En chambre claire numérique.

En numérique, l’exposition ne se produit qu’à la prise de vue et elle est irréversible. Dans les faits, Le curseur “Exposition” de Lightroom n’agit pas sur l’exposition, mais sur la luminosité des valeurs moyennes de la photo.

La partie numérique du rendu du tirage

 

E - Dodge And Burn argentique

E - Dodge And Burn numérique

Dodge (Dodging) : Éclaircir (une zone) — Burn (Burning) : Assombrir (une zone)

Dodge & Burn n'est pas un outil Photoshop ni une "technique de retouche" Photoshop. Le Dodge & Burn existe depuis la naissance de la photographie, il y presque 200 ans. Photoshop et Lightroom ne font qu'imiter ces techniques ancestrales.

Vous verrez ci dessous dans la section “Le travail créatif/correctif lors du tirage argentique” des tirages photographiques. D'un coté, le tirage sans modifications, avec les inscriptions et les instructions qui serviront a éclaircir ou obscurcir les zones de l'image, selon qu'elles sont trop claires ou trop sombres sur le négatif. Le tireur utilisait ses mains ou des petits accessoires pour "retenir" la lumière ou pour la laisser passer davantage à certains endroits. Il ne s'agit pas de retouche, mais de tirage.

Ces opérations portent le nom de Dodge & Burn en Anglais. Les outils Photoshop ont donc repris le terme utilisé en tirage argentique. Le Dodge & Burn, utilisé pour obscurcir ou éclaircir certaines zones de l'image (aussi appelé "Macro D&B" car il s'adresse a des surfaces assez importantes), est donc un process de Développement-Tirage, et non une action de retouche.

Et revanche, le "Micro Dodge & Burn" qui lui, est effectué sur des minuscules surfaces, de l'ordre du pixel, est bien une action de retouche, car en argentique, elle est effectuée au pinceau, directement sur tirage ou sur film.

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Le Dodge & Burn dans Photoshop

Macro Dodge and Burn

Le Dodge & Burn dans Lightroom


F - Développement du Tirage

Une fois que le tirage a été exposé sous agrandisseur, une image latente est présente sur le tirage non développé. On va ensuite le développer dans des bains chimiques, comme on l’a fait pour le film. Pas de cuve dans ce cas. On va passer le tirage dans trois bains successifs (révélateur, fixateur, rinçage), sous lumière inactinique (lumière rouge à laquelle le papier photo n’est pas sensible)

Virages

F - Équivalent numérique du Développement du Tirage

Ne confondez pas tirage et impression.

L’impression consiste simplement à imprimer l’image présente à l’écran de votre ordinateur sur un papier (par exemple par impression jet d’encre). L’impression ne comporte pas de développement.

En numérique il est possible de réaliser des tirages argentiques a partir d’un fichier numérique. On utilise une tireuse laser (comme par exemple une Fuji Frontier) dans laquelle l‘agrandisseur est remplacé par un faisceau laser qui va insoler le papier photosensible. Ensuite on développera le papier, comme indiqué ci-contre

La partie “papier” du tirage dans sa version numérique


G - Virages et Traitement Croisé argentiques

G - Émulation Virages et Traitement Croisé en numérique


LA RETOUCHE

Pour que la retouche soit possible, il faut posséder une photo (Négatif, Diapositive ou Tirage). La retouche est donc obligatoirement précédée par un Développement/Tirage.

En Argentique, la retouche se réalise au pinceau ou parfois à l'aérographe, pour corriger les  petits détails ou surfaces sur négatif, sur diapositive ou sur tirage. On pourrait donc dire que toutes les techniques numériques qui "imitent" ce procédé sont regroupées sous le terme "retouche"

Définitions : Source : Manuel Pratique de la photographie de nu - John Hedgecoe - Édition 1988 p169

  • Repique : Suppression des défauts techniques d'une image (par exemple les rayures ou les poussières). On emploie des crayons spéciaux ou des encres passées au pinceau ou projetées à l'aérographe

  • Retouche : Correction par le dessin (procédés identiques à ceux de la repique) de certains défauts artistiques de l'image, par exemple, faire disparaitre la cicatrice d'un modèle


Photo Argentique

Photo Numérique


H - Retouche Argentique

Travail au pinceau sur négatif (et tout autre outil de retouche, grattage etc)

Travail au pinceau sur film inversible / diapositive (et tout autre outil de retouche, grattage etc)

Travail au pinceau sur tirage (et tout autre outil de retouche, grattage etc)

Et toute autre technique de retouche sur de l’argentique (aérographe notamment)

Effets spéciaux, collages (ciseaux et colle), Montages

H - Retouche Numérique

Retouche dite « cosmétique » : Atténuation ou effacement des défauts ou non-voulus à l’aide des outils appropriés

Micro Dodge & Burn

Retouche dite « morphologique » : modification de l’aspect d’origine par déformation, suppression, augmentation, diminution ou substitution.

Photofinish : toutes les techniques destinées à donner au visuel, son aspect définitif

Effets spéciaux, collages, Montages


H bis - Infographie

Selon le dosage et l’intensité de la retouche (et surtout selon la qualité du travail réalisé) nous sortons de la photographie pour passer vers le visuel infographique réalisé à partir d’une photo


Avec ou sans traitement ? 

Que ce soit en numérique ou en argentique, on ne peut pas obtenir de photographie sans développement

Dire que l'on a réalisé une photo "sans traitement" est au minimum inexact. Certains disent aussi "je n'ai pas retouché", en ne sachant pas réellement ce que "retoucher" veut dire (ils confondent "retouche" et "développement")

Il y a aussi quelques idées reçues et inexactitudes a clarifier :

Image "Direct boitier"

Une image "direct boitier" (obtenue sans passer par l'ordinateur) est post-traitée. Le boitier s'est chargé du traitement de manière automatique.

Une image "direct boitier" pourrait être comparée à un Polaroid argentique, puisque l'image est produite automatiquement par le boitier. Les images "direct boitier" sont toutes différentes d'un boitier à un autre. Elles ne sont en aucun cas une "référence" ni un "reflet de la réalité".

Ce sont simplement des images produites automatiquement, selon des choix de réglages préétablis par le constructeur (et qui peuvent être partiellement modifiés par les réglages "logiciel boitier" de l'utilisateur)

Image "Brute de Capteur"

Une photo "brute de capteur" n'existe pas par définition, car un capteur ne produit pas d’image. Il convertit simplement la lumière en signaux électriques.

Pour qu'un fichier RAW soit affiché sous forme d'image (comme son nom l'indique, un fichier RAW est constitué de "données numériques brutes". Là encore, il ne s’agit pas d’une image), il faut l'ouvrir dans un logiciel de développement.

Même si on ne touche à aucun curseur, la photo que l'on voit dans le logiciel de développement lors de sa première ouverture est une photo déjà développée. Elle n'a rien de "brut". Ce développement “initial” de l’image est en fait un parti pris de l’éditeur du logiciel. D’ailleurs un même fichier ouvert et développé “initialement” dans deux logiciels différents aura deux aspects différents.

Tout au plus on pourrait la qualifier de "photo initiale" (d’où la notion de "initialiser", fonction qui permet de ramener une photo en cours de développement à sa valeur d'importation et donc à son développement initial, celui effectué automatiquement par le logiciel de développement).

Remarquons également que cette "photo initiale" sera différente dans chaque logiciel de Développement. La "partition" (voir la vidéo de Raymond Cauchetier) est interprétée automatiquement et de manière différente, par chaque logiciel.


La repique, la retouche et le montage sur film argentique 

Voici une célèbre photographie de Grace Jones par le photographe Jean-Paul Goude

La diapositive Kodak Ektachrome réalisée au Moyen Format 6x6, est d'abord découpée et montée au ruban adhésif, puis re-photographiée en vue de la repique / retouche / Montage

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Puis l'image est retouchée à la main, au pinceau et à l'aérographe pour donner le visuel final

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Le travail créatif/correctif lors du tirage argentique

Vous verrez ci dessous des tirages photographiques. D'un coté, le tirage sans modifications, avec les inscriptions et les instructions qui serviront a éclaircir ou obscurcir les zones de l'image, selon qu'elles sont trop claires ou trop sombres sur le négatif. Le tireur utilisait ses mains ou des petits accessoires pour "retenir" la lumière ou pour la laisser passer davantage à certains endroits. Il ne s'agit pas de retouche, mais de tirage.

Ces opérations portent le nom de Dodge & Burn en Anglais. Les outils Photoshop ont donc repris le terme utilisé en tirage argentique. Le Dodge & Burn, utilisé pour obscurcir ou éclaircir certaines zones de l'image (aussi appelé "Macro D&B" car il s'adresse a des surfaces assez importantes), est donc un process de Développement-Tirage, et non une action de retouche.

Et revanche, le "Micro Dodge & Burn" qui lui, est effectué sur des minuscules surfaces, de l'ordre du pixel, est bien une action de retouche, car en argentique, elle est effectuée au pinceau, directement sur tirage ou sur film.

Audrey Hepburn par Dennis Stock

Audrey Hepburn par Dennis Stock

James Dean à Times Square par Dennis Stock

James Dean à Times Square par Dennis Stock

Mohammed Ali (Cassius Clay) Thomas Hoepker - 1966

Mohammed Ali (Cassius Clay)
Thomas Hoepker - 1966

Henri Cartier-Bresson par Bob Henrique

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Pour en savoir davantage...

Si les explications ci dessus vous semblent complexes, le mieux est de vous initier à la photo argentique, afin de mieux comprendre ces processus. Les vidéos ci-dessous vous montreront les principes de base. 


Développement du film

(source : https://www.youtube.com/channel/UCBp-vs8v6y_PE7WECN2cT5g)

Ne vous préoccupez pas des dosages des produits chimiques. L'important ici, c'est de comprendre les grands principes, sans rentrer dans trop de détails techniques.


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